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Les “Champs de Booz” aux côtés des femmes réfugiées

Article paru dans La Croix du 2 juillet 2018, par Malo TRESCA, journaliste

Portée par 23 congrégations, cette association catholique épaule depuis quinze ans les femmes réfugiées isolées en attente de régularisation. Ses bénévoles s’inquiètent du projet gouvernemental de réduction des délais d’examen de leurs demandes d’asile.

Dans les locaux de l’association, une réfugiée suit un cours de français dispensé par l’une des 16 bénévoles. / Benoit Durand pour La Croix

Quand elle raconte ses derniers mois en République démocratique du Congo (RDC), la voix d’Olga, lancinante, s’étouffe. « Les ennuis ont commencé en 2015, lorsque des opposants au régime du président Joseph Kabila ont décidé de venir boire des verres dans mon établissement »,explique, émue, cette ancienne patronne de bar. Sans autre forme de procès, la trentenaire est arrêtée. Incarcérée pendant dix jours. Violée, brûlée sur toute la poitrine par des mégots de cigarettes – elle montre, en larmes, la cicatrice qui s’étend jusqu’au cou –, et tabassée par « le commandant » de la police locale.

« Après avoir pris la fuite pendant un transfert, j’ai organisé mon départ vers la France », poursuit-elle. Vie dans la rue, appels incessants au 115, faible suivi à l’hôpital de la Maison-Blanche, à Paris, où on lui fournit des médicaments post-traumatiques… En parallèle à ses « premiers mois de galère » dans la capitale, la jeune femme lance les démarches pour obtenir ses papiers. « Il a fallu raconter, encore et encore, les drames que j’avais vécus devant les inspecteurs de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides, NDLR), confie-t-elle pudiquement. Cela a été extrêmement dur à revivre : j’aurais bien eu besoin d’aide pour m’y préparer.

Mais l’épreuve paye : elle reçoit son « statut » en mars 2017. Et entend parler dans la foulée d’une association catholique atypique, Les Champs de Booz – du nom du personnage biblique qui protégea sa bru, Ruth, veuve, sans enfants et étrangère –, qui pourrait l’aider à se reloger. Désormais portée par 23 congrégations, cette association épaule, depuis quinze ans, les femmes réfugiées isolées engagées dans une démarche de régularisation, en les accompagnant pendant les premiers mois de leur intégration et en leur proposant des solutions provisoires d’hébergement.

Outre Olga, une vingtaine de pensionnaires – de confession musulmane, bouddhiste ou chrétienne… – sont actuellement logées dans des appartements mis à disposition par des particuliers ou par des communautés catholiques, à Paris ou dans sa proche banlieue.

Fourniture d’un logement pendant six mois, renouvelable une fois, contre un faible loyer (environ 100 € par mois), cours de français, aide administrative… « En les protégeant du risque de la prostitution ou de la vie dans la rue, nous prônons un accueil intégral de ces femmes, mais sans faire de l’assistanat », explique sœur Éliane Loiseau, de la congrégation des Sœurs missionnaires de l’Évangile. Dans l’ancien dispensaire du 20earrondissement de Paris, qui fait office de local pour les deux permanences hebdomadaires de l’association, la religieuse a passé la matinée à aider Fatou (1), une Ivoirienne promise au métier d’exciseuse dans son pays natal, à préparer son « récit » de vie pour sa demande d’asile.« Nous essayons de leur donner le plus de chances d’être convaincantes devant l’Ofpra : elles jouent leur vie en quelques minutes », poursuit la religieuse. Tortures, mutilations, mariages forcés… Face aux traumatismes vécus, la tâche se révèle souvent ardue. « Elles se sont construit des portes coupe-feu entre leur vie d’avant et celle de maintenant : il faut les aider à rendre leur situation intelligible, à poser des mots sur des souffrances indicibles, face à un jury parfois violent pour tester la véracité de leurs propos », renchérit Christiane Baradeau, psychologue en libéral et bénévole laïque desChamps de Booz.

Soudées, les volontaires ne négligent aucun détail. En réclamant un haut degré de précision, elles font ressasser à leurs protégées la raison qui les a poussées à partir. Parfois, cela ne suffit pas. « 100 % des Tibétaines obtiennent le précieux sésame administratif ; les femmes d’origine africaine, en revanche, le reçoivent de moins en moins », note Sylvaine Clouqueur, bénévole, ancienne juriste. En cas de refus, la procédure se complique : il faut rapidement déposer un recours devant la Cour nationale du droit d’asile, en étayant les témoignages par de nouvelles preuves de « menaces au pays ».

« Mais avec le projet gouvernemental de réduction des délais d’examen des demandes de ces femmes migrantes, cela risque d’être intenable pour nous de consolider les dossiers refusés dans le temps imparti », s’inquiète Francine Sosson, ex-pharmacienne, bénévole au sein de l’association. L’Ivoirienne Fatou, désormais préparée au « grand oral » qui se profile, espère encore passer devant l’Ofpra avant la révision de la loi. C’est sœur Éliane elle-même qui a posté sa demande d’asile.

repères

Les dates-clés de l’association

2003. Les Champs de Booz sont créés par les Congrégation Notre Dame de Charité et Le Bon Pasteur, une vingtaine d’autres les soutiennent aujourd’hui. Leur objectif : venir en aide aux femmes seules, demandeuses d’asile.

2013. Après avoir œuvré au début dans la rue, l’association installe ses permanences hebdomadaires – les mardis et jeudis – dans un ancien dispensaire du 20ème arrondissement de Paris. Ce vaste espace permet de diversifier les activités proposées aux réfugiées : cours de couture, de conversation, chorale, vestiaire en libre service…

2017. Au total, 112 demandeuses d’asile sont venues chercher de l’aide aux Champs de Booz en 2017, totalisant 815 visites. Face à la hausse – environ 30% par an – de la demande, les 16 bénévoles appellent aux dons.

“Rien ne justifie l’inhumanité”
par Mgr B. de Sinety

Mgr Benoist de Sinety est vicaire général du diocèse de Paris. Nous avons eu le plaisir de l’accueillir et d’échanger avec lui sur la situation des migrants aujourd’hui. Il nous assure de son soutien.

La loi asile et immigration vient d’être adoptée en première lecture à l’Assemblée Nationale. Un texte controversé, y compris dans les rangs de la majorité présidentielle.

Plusieurs associations, dont la Cimade, dénoncent depuis longtemps cette loi, qui n’est pas pas équilibrée, qui penche vers une logique répressive, de contrôle, de tri, d’enfermement, de volonté d’expulser voire de bannir les personnes. Pour le vicaire général de l’archidiocèse de Paris, Mgr Benoist de Sinety, auteur de “Il faut que les voix s’élèvent” (éd. Flammarion), “c’est quand même préoccupant que les principaux acteurs associatifs qui prennent en charge l’accompagnement des migrants depuis des années soient à ce point tenus à l’écart de toute réflexion sur ce texte”.

On s’étonne de la résistance française à réfléchir de manière humaine à l’accueil de ces personnes, et à leurs demandes. “Chacun peut se parer de valeurs humanistes. Une chose est de dire les choses, une autre est de les appliquer. On peut tenir tous les discours que l’on veut, après il faut mettre en pratique” précise Mgr Benoist de Sinety.

Le vicaire général de l’archidiocèse de Paris s’inquiète également de l’espèce de concurrence de la pauvreté qui règne en France. “On ne peut pas opposer les pauvres aux pauvres. Pour un chrétien, c’est quelque chose qui n’est pas possible” lance Mgr Benoist de Sinety, qui semble ne pas croire à la théorie de l’appel d’air, selon laquelle une amélioration des conditions de vie conduirait d’autres migrants à affluer vers l’hexagone. “Quand on regarde le nombre de migrants qui viennent dans notre pays, c’est incomparablement moindre que dans les autres pays européens” précise-t-il.

Ces gens qui arrivent portent en eux des failles psychologiques colossales. Ils ont vécu des souffrances abyssales. On les laisse crever…, sans psychologues. Ils se cachent. Dans cinq ans, quel sera leur état d’esprit par rapport à nous ? N’est-on pas en train de fabriquer parmi eux les poseurs de bombes de demain ?” s’interroge Mgr de Sinety, qui témoigne d’une forme de conversion personnelle sur ce sujet.

“Je n’ai aucune exaltation à voir des gens quitter leur pays. Je ne suis pas le chantre du métissage intégral. Je constate. Dans ma vie de prêtre, j’ai été en contact avec des hommes et des femmes qui avaient dû quitter leur pays. J’ai été mis en contact brutal avec cette détresse, cette solitude, où je n’ai jamais vu ni le désir de profiter d’un système ou de s’accaparer des privilèges. J’ai réalisé qu’il y avait une parole de l’Évangile dont on ne pouvait pas faire fi. Accueillir l’autre, ce n’est pas lui dire oui à tout. Je ne dis pas qu’il faut dire oui à toutes les demandes, je dis que rien ne justifie l’inhumanité” explique Mgr de Sinety.

Sur le plan européen, Mgr de Sinety estime que l’on entretient une mémoire de l’invasion. “Il y a une autre peur très préoccupante, une angoisse qui habite notre pays, la peur de ceux qui ne savent plus qui ils sont. Nos peurs s’entretiennent par des tabous. On n’ose plus parler publiquement des choses. Il y a deux manières de mener le débat public, soit dans le tabou et les angoisses, soit en essayant de trouver des lieux et des cadres où les gens peuvent exprimer librement ce qu’ils ont sur le cœur“.

Face à cela, Mgr de Sinety estime dans son dernier essai qu’il nous faut proposer une espérance. “Tout cela révèle un malaise profond de notre société, de notre monde, de notre société occidentale fondée sur les valeurs judéo-chrétiennes. On est aujourd’hui comme enfermé dans des nasses qui se referment sur nous. Il est temps de pouvoir remettre à plat tout cela et que les dirigeants de nos pays puissent ouvrir une réflexion. Cette crise est une opportunité spirituelle” conclut-il.

Mgr Benoist de Sinety
vient de publier un livre
avec la collaboration de Romain Gubert.

« Je ne suis pas prêtre pour donner des leçons, ni pour faire la morale, je suis devenu prêtre pour que tout homme puisse entendre cette bonne nouvelle : chaque existence est infiniment aimée de Dieu.

Ce qui me navre aujourd’hui, ce qui me met en colère lorsque j’observe les conditions de vie de ceux qui arrivent sur notre territoire et les réponses que nous leur apportons, ce sont ces discours qui atrophient nos cœurs. Chacun doit chercher des solutions pour faire une place à celui qui est sur notre sol. Il s’agit de dignité. De la leur. De la nôtre aussi.

C’est à la société civile – où les religions, et bien sûr l’Église catholique, ont une place singulière – de prendre le relais pour défendre le droit des migrants. Il faut que des voix s’élèvent… »

Fête du 15ème anniversaire
des Champs de Booz

26 mai 2018

Derniers préparatifs pour fixer les drapeaux de prière tibétains

Une journée de fête, multiculturelle, où l’on a beaucoup dansé.

C’était l’occasion de passer un bon moment ensemble et de découvrir les spécialités culinaires et les boissons locales, gingembre et bissap ! De découvrir également des musiques et des danses du Tibet et d’Afrique.

Elles partagent le même hébergement ! Intégration réussie !

Joie de rencontrer les femmes accueillies par les Champs de Booz au cours de ces quinze années.

Prise de parole de la présidente des Champs de Booz
pour les 15 ans de l’association

Mes chers amis des Champs de Booz,

Aujourd’hui nous fêtons les 15 ans de notre association !
En effet, le 31 mai 2003, Les Champs de Booz paraissent au Journal Officiel, avec un siège social rue Curial à Paris où les Sœurs du Bon Pasteur louaient un appartement.

La première Présidente des Champs de Booz fut Annick Egu.
Assez vite la direction de Booz fut prise en main par un Comité de Pilotage composé de trois sœurs.

Vous le savez tous ici, notre association a été créée pour venir en aide aux femmes seules, demandeuses d’asile, en cours de régularisation et d’insertion.
Comme nous l’a rappelé récemment le pape François, il nous invite à avoir quatre attitudes vis-à-vis du migrant :

« Accueillir, protéger, promouvoir, intégrer »

Modestement, on pourrait affirmer que c’est ce que vous faites, chers bénévoles, en équipe ! Depuis la création de Booz !
Pourtant, il est vrai que de prime abord l’étrangère fait peur à beaucoup…inquiète pour d’autres : pas la même culture, pas la même langue, pas la même religion, pas la même couleur de peau pour certaines…
Et puis avec tous ces terroristes qui font des attentats un peu partout dans le monde, le raccourci est vite fait ! C’est de la faute de ces étrangers !
Il est facile de voir la réaction de nos entourages quand on leur dit qu’on aide des demandeuses d’asile ! Ils ont peur de ce qu’ils pourraient faire sur notre beau sol français. Tous les clichés sont là !

e g. à dr. : Tristane, Annelise

Il vous faut une certaine détermination pour rester droites dans vos bottes. Et vous l’avez ! Et vous soutenez cette cause. Merci !
Merci aussi pour toutes ces exilées qui n’ont pas d’autre choix que de fuir leur pays et donc d’arriver chez nous.
Je vais vous faire une confidence…Au départ, quand Marie-Claire m’a demandé de venir donner un coup de main à l’association, j’ose vous avouer que j’avais des réserves.
Parce qu’en tant que médecin hospitalier, j’avais constaté l’arrogance avec laquelle certains venaient en France pour s’y faire soigner et profiter du système de façon éhontée… Mais j’ai quand même accepté la proposition de Marie-Claire pour essayer de changer mon regard…
Je n’avais pas peur de l’étranger en tant que tel, car j’ai habité hors de France pendant presque toute mon enfance, mais parce que je redoutais cette manière d’être qui exige, au nom des Droits de l’Homme, des avantages sur notre sol, de façon insupportable !

Evidemment, il ne m’a pas fallu longtemps pour changer de point de vue !
Cette femme lacérée sur tout son corps pour ne pas avoir obéi aux traditions érigées dans son pays, cette autre détruite par une révolution sanglante ou une guerre, encore une autre menacée de mort pour ses opinions politiques ou pour son orientation sexuelle, bref je ne vais pas continuer la liste des causes de leurs venues tant elle est pénible…

Oui ces femmes viennent chez nous pour espérer trouver la paix et un accueil chaleureux.

Pour en revenir à l’histoire des Champs de Booz, en 2003, les initiatrices du projet de notre association étaient Solange et Marie-Joie, car à la Cimade d’où elles venaient, elles s’étaient rendu compte qu’il n’y avait pas d’accueil pour des femmes seules demandeuses d’asile.
Ensuite elles ont fait un appel à la CORREF pour solliciter des bénévoles. C’est ainsi que Myriam, Marie-Claire, Marie-Pierre et Simone sont arrivées aux Champs de Booz. Et que de nombreuses congrégations religieuses ont soutenu ce projet ; et elles continuent toujours à ce jour, avec une grande fidélité.

Un peu plus tard, les premières laïques les ont rejointes ; à savoir Jeanne-Marie, la comptable, décédée malheureusement quelques années plus tard, Laure, Robert et Michelle.
Les premiers accueils se passaient alors sur un banc de jardins publics ou dans un café.
Puis la Congrégation des Filles de la Sagesse a mis à disposition un bureau dans leur communauté de la rue de la Tombe Issoire.

Ensuite, c’est au tour des Sœurs de la Sainte Famille de Bordeaux, en juillet 2003, de proposer un local de deux pièces à St Mandé qui s’est transformé plus tard en un quatre pièces… !

Enfin, il y a quatre ans et demi, nous sommes arrivés rue du Retrait, chez les Sœurs du Très Saint Sauveur, grâce à l’aide de Nicole, aujourd’hui la supérieure de la Communauté.

Pour les hébergements, au départ les femmes étaient logées provisoirement, une nuit ou deux, grâce à l’aide de la Cimade, du Gas, de Mambré, des Missionnaires de la Charité, ou encore dans des hôtels pendant 2 à 3 jours, comme Formule 1.

Puis sont arrivés les premiers hébergements plus pérennes : avenue Reille et à la Tombe Issoire, toujours au sein de congrégations religieuses.

Au fil du temps d’autres hébergements nous ont été proposés toujours par des Congrégations mais aussi par un bailleur social, et enfin tout simplement par des particuliers qui renoncent ainsi à des loyers lucratifs.

A tous, un grand merci !

Et puis il y a eu la création de vestiaire (par Myriam), d’ateliers de couture (animés par Douha, une syrienne), de dessin avec Isabelle, de conversation française avec Marie-Françoise, des consultations de Psychologie et de Médecine Générale par Christiane et moi-même, et une aide sociale par Dominique.

Il y a eu des sorties culturelles animées par Laure puis par Michelle ; et maintenant par Jean-Marie.
D’autres bénévoles comme Nicole, Anne-Lise, Claude, ou d’autres, sont « multitâches », passant de l’ouverture de la porte à l’accompagnement, des courses à des entretiens, etc…
Enfin, l’accueil est assuré par Marie-Claire, Paula et Jennifer.
Et pour finir Robert, le seul homme de l’association qui se définit lui-même comme « l’homme à tout faire » !!

Il y a eu – et cela continue toujours- LA journée annuelle de Booz offerte par une mécène qui nous a conduit à Versailles, Honfleur, Chantilly, sur les rives de la Marne, et j’en passe !

Enfin, depuis deux ans, « la Croisée des chemins », association informelle de la paroisse St Jean Bosco dans le 20ème est venue nous rejoindre pour travailler ensemble. Avec Jean-Marie et Suzanne.

En ce qui concerne le Conseil d’Administration, après Annick, ce fut Jacqueline Millet qui prit la Présidence ; enfin moi-même depuis six ans.
Le Comité de pilotage aussi a évolué, car il est composé aujourd’hui d’une Sœur, Eliane, et de deux laïques, Sylvaine et Francine.
En tout, on peut dire qu’il y a aujourd’hui environ 50% de sœurs et 50% de laïcs.

Quelques précisions sur ce qui s’est fait depuis 15 ans.
Pour vous donner une idée des passages de femmes venues à Booz, aujourd’hui le nombre s’élève autour de 7 500 …venant surtout d’Afrique mais aussi du Tibet, et d’autres pays insécures.
Le nombre d’hébergements est monté jusqu’à 25.
Le nombre de bénévoles actuel est de 16 s’activant directement auprès des femmes ou indirectement par des tâches administratives.
Sans compter, de façon indirecte, si je peux dire, des référents des logements, sur place.
Donc beaucoup de monde issu du monde religieux ou laïc.

Alors à tous et à toutes, un grand merci !

Je crois que nous allons pouvoir lever notre verre aux Champs de Booz pour fêter ses quinze ans !

Tristane

Les Champs de Booz
et les demandeuses d’asile vulnérables
en Ile-de-France

Elisabeth Auvillain , journaliste relate ses découvertes aux Champs de Booz le 3 mai 2018

Des demandeuses d’asile tibétaines apprennent le français aux Champs de Booz. (Elisabeth Auvillain
Miriam (prénom changé) était infirmière dans un hôpital au Congo. Elle a critiqué en privé la façon dont certains médecins maltraitaient les patients. Quelqu’un l’a dénoncée aux autorités. Elle a été emprisonnée et torturée.

Un jour, elle a été amenée avec un groupe de détenus à un endroit près d’une rivière. Les détenus savaient qu’ils allaient être ligotés et jetés dans la rivière pour mourir. Un garde s’est approché : « Courez, courez », lui murmura-t-il. Elle l’a fait pendant des jours, s’échappant à travers la jungle. Les amis et la famille ont rassemblé de l’argent pour pouvoir fuir en France.

L’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA), qui décide qui peut obtenir l’asile en France, (…) a rejeté sa demande d’asile.

Mais avec l’aide de bénévoles travaillant pour Les Champs de Booz, elle a fait appel et a gagné. Elle est à Paris maintenant, espérant que sa fille la rejoindra bientôt.

En 2003, 23 congrégations religieuses se sont unies pour créer Les Champs de Booz afin d’aider les réfugiés les plus vulnérables en France : des femmes qui arrivent seules, fuyant un pays où elles sont en danger. Souvent, elles ne parlent pas français, ont vendu la plupart de leurs biens pour payer les trafiquants qui les emmènent en Europe, et ne connaissent que quelques immigrés originaires de leur pays d’origine, qui ne sont pas toujours désireux de les aider.

Elles ont besoin d’un endroit pour se poser, apprendre la langue et faire une formation professionnelle dans un pays où le chômage oscille autour de 10%, ce qu’elles ne pouvaient souvent pas imaginer en quittant leur pays d’origine. Certaines d’entre elles arrivent en France et ne savent pas dans quel pays elles se trouvent. Ce sont les trafiquants qui décident leur lieu d’arrivée.

A partir de la G : Nicole, Francine et Eliane (Photo : E Auvillain)

Le nom “Les Champs de Booz” a été inspiré par l’histoire de Ruth dans la Bible (…). Booz la défend contre le racisme et le sexisme.

“Toutes les femmes qui viennent ont subi une forme de violence”, a déclaré Eliane, Sœur Missionnaire de l’Evangile. Avec huit laïcs et cinq autres sœurs, Eliane accueille les femmes qui viennent le mardi et le jeudi après-midi, quand la permanence est ouverte.

« Les sœurs qui travaillent ici ont souvent vécu, comme moi, en Afrique, elles ont voyagé, elles savent ce qu’est la pauvreté dans les pays que les réfugiées tentent de fuir », a déclaré Eliane. « Les autres bénévoles qui travaillent avec nous sont souvent des femmes retraitées, elles ont élevé des enfants, elles ont d’autres expériences de vie, des compétences professionnelles, c’est très positif pour nous tous de travailler ensemble, nous apprécions ». (…)

112 femmes sont venues demander de l’aide aux Champs de Booz en 2017, totalisant 800 visites, la plupart des femmes venant plusieurs fois. Sur les 112 femmes, 58 sont venues pour la première fois. En 2016, il y avait eu 355 visites de 64 femmes.

(…)Le processus d’obtention de l’asile en France prend de six mois à plus d’un an. Les Champs de Booz jouent un rôle important en aidant ces femmes avec la lourde paperasserie. Ils offrent également un soutien et une écoute.

Les Champs de Booz. Réfugiées africaines et asiatiques (photo fournie par LCdB)

La présidente des Champs de Booz, Tristane, médecin retraité, les voit en consultation si elles ont besoin d’une assistance médicale.

Une autre bénévole, Marie-Françoise, enseigne le français. “Parfois, elles se présentent, parfois pas. Nous essayons de leur dire d’être persévérantes, mais c’est difficile” nous déclare-t-elle. (…)

La situation des femmes est aggravée par le manque d’hébergement à Paris. (…)

L’association reçoit de l’aide de congrégations religieuses et de particuliers qui mettent à sa disposition des lieux d’hébergement. (…)

D’où viennent ces femmes ?

« Depuis mai 2016, nous avons vu beaucoup de femmes venir du Tibet », nous dit Sylvaine, bénévole. “(…) La communication n’est pas très facile, car elles ne parlent pas du tout français, mais quand l’une d’elles parle anglais, elle aide les autres (…)

D’autres viennent de pays francophones d’Afrique de l’Ouest, Guinée, Côte d’Ivoire, Cameroun et Congo. Il leur est plus difficile d’obtenir l’asile, car souvent elles ne peuvent pas prouver que leur vie est en danger.

Les migrantes – celles qui viennent en Europe à la recherche d’un avenir meilleur – ne sont pas toutes demandeuses d’asile. Les premières quittent leur pays dans l’espoir d’une vie meilleure. Les demandeuses d’asile fuient un pays où elles sont en danger à cause d’une guerre ou parce qu’elles ont été victimes de violence politique ou domestique ou de mutilations sexuelles. Certaines ont été mises en prison pour avoir critiqué le gouvernement ; d’autres risquent la peine de mort en raison de leurs croyances religieuses ou de leur orientation sexuelle.

Si elles demandent l’asile et la protection de la France, elles savent qu’elles ne seront jamais autorisées à rentrer chez elles. Un retour leur fait perdre le droit de vivre en Europe. Le droit d’obtenir l’asile fait partie de la Convention des Nations Unies sur les réfugiés, adoptée en 1951.

“Nous accueillons ces femmes ici deux fois par semaine pour les aider à demander l’asile, à trouver un logement, à demander une couverture santé, etc.”, a déclaré Tristane.

Un processus en trois étapes qui peut prendre des mois.

Les bénévoles des Champs de Booz aident les demandeuses d’asile dans leur entreprise longue et difficile. Les candidates ont 120 jours pour commencer le processus, qui comprend trois étapes principales.

D’abord, elles doivent faire la queue pendant des heures, attendant leur tour pour être reçues par une organisation chargée de leur donner un premier rendez-vous avec les autorités locales pour soumettre leur demande d’asile.

France Terre d’Asile est l’une des principales associations d’accueil et d’enregistrement des réfugiés, leur permettant de se rendre au bureau d’immigration de la Préfecture de Police, deuxième étape de cette procédure. La queue devant leur bureau dans le nord de Paris est si longue que parfois les candidats doivent dormir dans la rue et attendre que le bureau s’ouvre à nouveau le lendemain.

D’après le site officiel du gouvernement, un rendez-vous avec la police est prévu entre trois et dix jours après la première visite. En réalité, il faut maintenant au moins deux mois, disent les bénévoles des Champs de Booz.

A la préfecture, on demande aux candidats : d’où venez-vous ? Pourquoi êtes-vous parti ? Avez-vous demandé l’asile ailleurs ?

Les demandeurs d’asile doivent postuler dans le premier pays qu’ils atteignent lorsqu’ils entrent en Europe. Cette procédure, appelée règlement de Dublin, explique pourquoi l’Italie et la Grèce ont dû prendre en charge plus de demandeurs d’asile que la plupart des autres pays européens. Les Africains arrivent en Italie par bateau depuis la Libye, risquant de se noyer en Méditerranée, et les Syriens traversent la Turquie pour la Grèce.

“Notre objectif est de les aider pour leurs papiers, mais aussi de trouver un emploi et une place dans la société française”, a déclaré Francine, pharmacienne retraitée, bénévole aux Champs de Booz. “Nous ne les encourageons pas à vivre de l’aide sociale, pas du tout.”

Les empreintes digitales sont prises à la préfecture pour vérifier dans la base de données européenne si la personne a déjà demandé l’asile ailleurs.

Une fois qu’un demandeur d’asile a envoyé sa demande, il est autorisé à rester jusqu’à ce que l’OFPRA l’appelle pour une entrevue. Cela peut prendre des mois, car de plus en plus de personnes demandent l’asile en France.

Sr. Paula, Franciscaine de Bangalore, Inde, bénévole aux Champs de Booz, lors d’un atelier de couture avec les réfugiées. (Photo LCdB)

La dernière étape est celle que tout candidat redoute : la visite à l’OFPRA pour un entretien avec le fonctionnaire français qui décidera si la personne est réellement en danger dans son pays d’origine et devrait se voir accorder le statut de réfugié. Pour l’obtenir, les demandeurs d’asile doivent convaincre les fonctionnaires qu’ils seront soumis à la persécution, à la violence ou à la prison s’ils retournent chez eux.

“Chaque demandeuse d’asile que nous voyons ici a une histoire de violence et de mauvais traitements”, a déclaré Sr Eliane. « La plupart d’entre elles ont besoin de temps pour nous dire exactement ce qui leur est arrivé, pour décrire comment elles ont été agressées physiquement et blessées ou mariées très jeunes contre leur gré, la plupart d’entre elles ont des enfants qu’elles ont laissés derrière. Nous les aidons à mettre des mots sur ce qu’elles ont vécu, afin qu’elles puissent exposer leur cas avec plus de conviction, ce qui est très difficile pour elles. “

Les demandeurs d’asile peuvent être accompagnés à l’entretien. “Le bénévole est à peine autorisé à dire quelques mots à la fin de l’interview”, a déclaré Francine. “Ce n’est pas comme avoir un avocat avec vous.”

Les fonctionnaires de l’OFPRA sont censés donner une réponse dans les six mois. Encore une fois, cela prend souvent plus de temps. Les critères énoncés par la Convention sur les réfugiés sont stricts : en 2017, seuls 27% des demandeurs ont obtenu l’asile politique. Le nombre s’élève à 36 % lorsque vous incluez ceux qui ont fait appel à la Cour Nationale du Droit d’Asile et gagné leur cause.

Ceux qui sont rejetés tombent souvent dans la clandestinité.

“Je préfère vivre dans la rue plutôt que de rentrer chez moi”, a déclaré un jour une demandeuse d’asile à une bénévole.

Le nombre croissant de réfugiés a conduit le gouvernement à préparer une loi visant à réduire de moitié la durée de la procédure de demande d’asile et à garantir que les personnes dont la demande a été rejetée retournent dans leur pays d’origine.

Le temps d’appel de la décision de l’OFPRA serait raccourci et les demandeurs n’auraient que 15 jours pour demander l’asile.

La plupart des associations de défense des droits de l’homme craignent que les mesures prévues par la loi – qui a été adoptée le 22 avril à l’Assemblée nationale et doit maintenant être renvoyée au Sénat – ne réduisent les droits des réfugiés.

“Les demandeurs d’asile qui ont échappé à un réel danger ont besoin de temps pour se défendre”, a déclaré Sophie, une bénévole travaillant pour un autre groupe de réfugiés. “Ils sont traumatisés, la nouvelle loi aggravera leur situation”.

[Elisabeth Auvillain est journaliste freelance à Paris.]

Echos de l’Assemblée générale
qui s’est tenue le 2 mai 2018

Conférence de Claire Delajoux
Maître de Conférences en droit public à l’Université de Paris Saclay-Evry.
Co-directrice du Master 2 Droits de l’Homme et Droit Humanitaire
Responsable de la licence 3 de Droit

Evolution de la demande d’asile en France au 2 mai 2018

Il s’agit d’un projet de loi en cours de discussion. Ce projet a été modifié puis adopté par l’Assemblée Nationale, il est actuellement transmis au Sénat, en général modifié, puis renvoyé à l’Assemblée en seconde lecture. L’Assemblée aura le dernier mot mais elle peut tenir compte des modifications demandées par le Sénat. A l’heure actuelle et compte-tenu des équilibres politiques, le Sénat est actuellement plus « dur » que l’Assemblée, il ne faut pas attendre d’assouplissement du côté du Sénat. Tout cela est donc en suspens, dans l’attente de l’adoption définitive du projet de loi.

Sur le plan pratique, nous allons d’abord parler des points positifs de cette loi et ensuite ce qui plus porteur d’inquiétudes pour les demandeurs d’asile.

Points positifs

Un des objectifs du gouvernement est d’accélérer le traitement de la demande d’asile: plus ce délai est court, plus les personnes en demande d’asile sont sécurisées sur le plan matériel et sur le plan psychologique. Mais ce point comporte des réserves : le temps que l’on peut gagner n’est pas sur le temps du contrôle par l’OFPRA et la CNDA de la demande d’asile, mais sur l’accès au dépôt de cette demande. C’est en amont qu’il aurait fallu travailler, pour diminuer le temps d’enregistrement de la demande d’asile. L’objectif aujourd’hui est d’avoir un traitement complet en 6 mois à partir de l’enregistrement.
Le propos officiel est de dire : pour ceux qui ont besoin de protection, 6 mois c’est rapide, mais pour ceux qui n’ont pas besoin de protection, 6 mois c’est suffisamment rapide pour procéder à leur éloignement parce que ce sont des personnes qui ne sont pas « installées » sur le territoire français. Sur le papier, c’est une bonne mesure, dans les faits, le demandeur d’asile se caractérise souvent par des traumatismes et pour élaborer sa demande d’asile, le demandeur d’asile a besoin de temps et quand vous pressez quelqu’un qui a subi des traumatismes pour lui faire dire ce qu’il a subi, ça ne marche pas. Il y a donc un risque majeur de passer à côté de la vérité en accélérant ce temps d’examen.
La loi de 2015 était arrivée à un bon équilibre, il y a donc un risque pour des personnes qui ont subi des traumatismes de ne pas être en mesure d’exprimer leurs craintes, et c’est un point fondamental de pouvoir exprimer les choses devant l’OFPRA et la CNDA.
Le raccourcissement des délais se heurte quand même à leur cause réelle, à savoir le temps nécessaire à l’enregistrement de la demande avec le rajout d’une strate : les Plateformes d’Accueil des Demandeurs d’Asile (PADA). Cela nécessiterait plus de moyens et de personnels. Ceci se combine avec l’augmentation sensible en 2017 des procédures Dublin, systématiquement les préfectures regardent si la personne n’est pas passé avant dans un autre pays de l’Union Européenne et y a laissé ses empreintes, en y déposant ou pas une demande d’asile. C’est devenu très important : environ un tiers des personnes qui ont demandé l’asile rentrent dans ce cadre, ils ne sont pas comptabilisés comme demandeurs d’asile. La demande n’est pas traitée et cela engorge le système car l’ADA est versée et le demandeur d’asile a droit au logement. Il y a beaucoup de cas de figures : demande d’asile déboutée dans un autre pays, déplacement du réfugié dans un autre pays avant la fin de la procédure, transfert effectif non réalisé etc. Le système Dublin ne peut pas fonctionner avec autant de personnes concernées, il ne s’agit pas seulement de traiter les demandes d’asile, il s’agit d’accueillir les réfugiés.
Allongement du titre de séjour pour les personnes qui vont obtenir la protection subsidiaire (rappel : on peut obtenir le statut de réfugié, carte de séjour de 10 ans, ou la protection subsidiaire). Pour la protection subsidiaire, le régime a été longtemps d’une carte d’un an, puis de 2 ans après la loi de 2015, le nouveau régime consistera en la délivrance d’une carte de 4 ans, puis à l’issue de ce délai, une carte de 10 ans. C’est une vraie sécurisation du séjour pour ces personnes. Dans les faits, il n’y aura pas de réexamen par l’OFPRA, à l’issue de la période de 4 ans. Le statut de la protection subsidiaire se rapproche de plus en plus du statut de réfugié.
Point positif : l’unité de famille pour les enfants mineurs. Lorsque l’enfant mineur est reconnu réfugié sur ses propres craintes le père et la mère reçoivent la même protection que l’enfant, et ces parents peuvent faire venir les autres enfants mineurs restés dans le pays d’origine.
Droit au travail: l’autorisation de travailler. Aujourd’hui les demandeurs d’asile peuvent travailler dans les 9 mois du dépôt de la demande d’asile si l’OFPRA n’a pas rendu de décision dans cette période, ce délai devrait passer à 6 mois. Mais le droit commun des étrangers s’applique dans ce cas : il faut une offre d’emploi et une autorisation de l’Administration, dans un métier « en tension ».
Quelques éléments ensuite sur des points accessoires de ces points positifs :

Lorsqu’un demandeur d’asile provient d’un pays « d’origine sûre » (un pays dont les ressortissants n’ont rien à craindre), on va placer ces personnes en procédure accélérée, la loi de 2015 a défini ce qu’était un pays d’origine sûre, nouveauté du projet de loi : un pays où les personnes qui sont persécutées en raison de leur homosexualité ne peut être placé sur la liste des pays d’origine sûre.
La nouvelle loi devrait améliorer les procédures des certificats médicaux pour les risques d’excision. Les médecins concernés devraient transmettre directement à l’OFPRA les certificats avec une visite médicale tous les 3 ans, pour éviter l’instrumentalisation par les parents de la procédure d’asile.
Points négatifs :

Conditions procédurales

Placement en procédure accélérée si la demande d’asile n’est pas déposée dans les 90 jours qui suivent l’entrée sur le territoire français. Actuellement, le droit prévoit un délai de 120 jours. Mais la loi réserve des circonstances particulières notamment pour les femmes exposées à la traite des êtres humains. Raison essentielle de la modification : la loi essaie de « traquer » par tous les moyens ceux qui abusent du système, qui seraient de faux demandeurs d’asile.
Clôture automatique de la demande d’asile si le formulaire OFPRA n’est pas envoyé dans les 21 jours à l’Office. Cette clôture peut ne pas être définitive mais c’est une façon de sanctionner, cela met des bâtons dans les roues…
Réduction du délai de recours devant la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA) qui était de 1 mois, il devrait passer à 15 jours, ce qui est très court. Durant ce délai, la personne doit comprendre la décision, trouve éventuellement un interprète, et élabore un recours. Tout le monde est d’accord pour dénoncer ce délai très court qui porte atteinte aux garanties fondamentales du droit d’asile (il n’est pas exclu que la Cour Européenne des Droits de l’Homme condamne cette procédure). Il faut ajouter que les demandeurs n’habitent pas sur leur lieu de domiciliation, il faut qu’ils se déplacent pour prendre connaissance de la décision. C’est une atteinte majeure à ce droit fondamental qu’est le droit d’asile. Mais cela peut encore bouger : un amendement a été adopté sur la généralisation des requêtes sommaires, c’est-à-dire que le demandeur d’asile a le droit de déposer un recours qui indique simplement l’objet de la requête : annulation du rejet par l’OFPRA, et indications sommaires des circonstances de faits et de droits invoqués avec la possibilité de nourrir le recours par tout document jusqu’à la clôture de l’instruction, quelques jours avant l’audience. C’est la seule amélioration obtenue par les députés.
La loi de 2015 avait généralisé le caractère suspensif du recours devant la CNDA, le droit au séjour était maintenu durant toute la procédure, y compris pendant l’examen du recours. La loi met un terme au caractère suspensif pour certains recours, trois demandes en procédure accélérée sont concernées :

Demandes d’asile en réexamen considérées comme recevables
Tous les demandeurs d’asile venant de pays d’origine sûrs, population essentiellement visée : les Albanais
Les personnes qui constituent une menace pour l’ordre public
Pour ces trois profils de personnes, déjà en procédure accélérée, le recours devant la CNDA ne sera plus suspensif, il sera donc possible de prendre à leur encontre une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) et de procéder à leur éloignement, dès le rejet par l’OFPRA.
Pour répondre par avance à un risque de condamnation par la Cour Européenne des Droits de l’Homme, ce caractère non suspensif est assorti d’un mécanisme complémentaire, qui veut que si la personne fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, elle peut faire un recours devant le tribunal administratif pour obtenir l’annulation de cette obligation. Ella va donc faire un recours en annulation, assorti d’une demande de suspension, c’est-à-dire demander à ce que l’OQTF ne soit pas exécutée tant que la CNDA ne s’est pas prononcée. Dans le cas de cette suspension, il faudra faire valoir des faits et des arguments devant le tribunal administratif tendant à prouver à ce que la demande est fondée. Le juge va donc devoir statuer sur le sérieux de la demande d’asile. C’est donc un peu une usine à gaz. Les tribunaux administratifs, déjà surchargés par le droit des étrangers vont l’être encore plus. Les plus fragiles seront ceux qui viennent de pays dits d’origine sûre. Surtout que ce qualificatif, qui peut certes être contesté devant le juge administratif, varie en fonctions des relations diplomatiques de la France avec l’état concerné. Le but est clairement d’aller vite : le recours contre l’OQTF est de 48h. La personne concernée devient irrégulière sur le territoire français et elle perd le droit aux conditions matérielles d’accueil : le logement et l’ADA.
Autre point de régression : les décisions que prend l’OFPRA en cas de retrait de la protection de réfugié, en cas de menace grave à l’ordre public. Le projet de loi prévoit que ces décisions lorsqu’elles sont soumises à la CNDA se feront toujours examinées en procédure accélérée et à juge unique. Un régime contentieux spécial est donc créé
Développement des moyens de communications audiovisuels : possibilité d’entendre le demandeur d’asile devant la CNDA en audience par vidéoconférence.
Au moment de l’enregistrement de la demande, est proposée au demandeur une liste de langues possibles dans lesquelles il peut être entendu à l’OFPRA et à la CNDA. Ce choix est opposable au demandeur, il continuera durant toute la procédure, il est donc essentiel que le demandeur soit bien conseillé. Le plus important n’est pas de s’exprimer en français, mais dans la langue qu’on comprend le mieux. Lorsque l’interprète ne sera pas celui de la langue choisie, il est possible de contester cette réalité devant la CNDA.
Le droit de se maintenir sur le territoire en cas de rejet de la CNDA fait l’objet d’une modification de date : ce droit au séjour cesse dès la lecture publique (= affichage de la décision à la CNDA) et non plus le jour de la notification.

Les personnes qui font l’objet d’un recours non-suspensif, perdent le droit au logement et l’ADA. Avec une OQTF, ils peuvent faire l’objet d’un placement en rétention administrative ou peuvent être assignées à résidence. Si le tribunal administratif suspend l’OQTF, il suspend également le placement en rétention administrative ou l’assignation à résidence.
L’orientation directive est modifiée : le projet prévoit de renforcer l’obligation de résidence dans une région précise pour garantir un équilibre national, même si la personne ne peut y obtenir un logement. La loi acte donc que tout le monde ne va pas avoir un logement. S’il ne réside pas dans la région où il est affecté, il perd les conditions matérielles d’accueil : ADA et logement. Toutefois, une disposition existe qui prévoit une prise en compte des besoins de la personne, au regard de sa situation personnelle et familiale (à partir de l’évaluation faite par l’OFII) notamment pour ceux qui sont victimes de la traite des êtres humains ou les cas de graves violences physiques ou sexuelles. Il sera donc tenu compte pour désigner la région d’accueil, de l’existence dans cette région, de lieux ou de structures adaptées.
Nouvelle disposition pour les déboutés : lorsqu’une personne est déboutée du droit d’asile, elle ne peut plus demander un titre de séjour sur un autre fondement, sauf à avoir fait cette demande dès le début, en parallèle avec la demande d’asile, sauf circonstances nouvelles. L’information auprès du demandeur d’asile sera faite au moment de l’enregistrement de la demande d’asile, et cela vaut aussi dans le cas d’une demande pour soins, qu’il faudra faire en préfecture en même temps.
A l’origine dans le projet de loi figurait la possibilité de notification de l’OFPRA
(ex : convocation à l’entretien) par tous moyens. Cette disposition n’a pas été conservée

Découvrir notre partenariat avec la Croisée des Chemins

C’est à la suite de l’appel du pape François que des paroissiens de Saint Jean Bosco à Paris ont eu le désir et la volonté de s’engager. Après réflexion, la décision a été prise de travailler en partenariat avec l’association Les Champs de Booz accueillant depuis plus de 15 ans des femmes réfugiées, située dans le 20ème.

Leur mission est d’accompagner ces femmes face aux nombreuses difficultés auxquelles elles sont confrontées :

en leur apportant du réconfort, de la chaleur humaine ;en les aidant dans l’élaboration du dossier et la préparation de l’entretien devant l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides).
en les accompagnant dans la recherche d’un hébergement

– en ayant le souci de faciliter leur insertion lorsqu’elles ont obtenu le statut de réfugié (logement pérenne, formation professionnelle)

Les OBJECTIFS ET LES MOYENS mis en œuvre, par cette association, rejoignent ceux que la paroisse Saint Jean Bosco avaient définis. Un comité de pilotage s’est constitué sur la paroisse, « La Croisée des Chemins ».

Actions de La Croisée des Chemins

Prise en charge et suivi de réfugiées. Chaque réfugiée est accompagnée par un référent pour les aider dans leur quotidien et favoriser l’insertion ;
Organisation commune d’une journée festive pour les réfugiées. Cette journée est un moment fort de rencontre, pour s’informer, sensibiliser les paroissiens.
Apprentissage de la langue française, en lien avec l’AEPCR et d’autres structures existantes.
Rencontres, temps de convivialité et découverte de Paris, visites de quartiers insolites …
Le soutien financier, L’association Les Champs de Booz est déclarée d’intérêt général à caractère social et humanitaire. Vos dons donneront droit à une réduction d’impôts sur le revenu de 66% dans la limite de vos revenus imposables. Les dons des paroissiens de Saint Jean Bosco seront gérés par le trésorier de La Croisée des Chemins.

Echos de la journée festive et fraternelle
du dimanche 12 novembre 2017

Nous avons répondu, nombreuses, à l’invitation de la paroisse St Jean Bosco pour célébrer la journée des réfugiées accueillies aux Champs de Booz.
27 femmes ont répondu présentes, d’une dizaine de nationalités, accompagnées des bénévoles des deux associations.
La journée de fête s’est déroulée dans une ambiance très joyeuse, rythmée de chants et de danses. Le témoignage de plusieurs participantes a fait référence à l’homélie qui les a touchées. Nous vous la partageons :

Pourquoi s’intéresser à l’étranger, au réfugié ?

Après tout, ils ne sont pas comme nous … Et, instinctivement, nous nous méfions de ce qui est différent, autre, nouveau. Osons le mot : ça nous fait peur, ou, au moins, ça nous inquiète. C’est peut-être pour cela que beaucoup de croyants, dans beaucoup de traditions religieuses, ont peur devant ce tout Autre qu’est Dieu ! Accueillir l’étranger, ça nous déstabilise : reconnaissons-le humblement. Peut-être parce que, au fond de notre inconscient, cela nous rappelle le grand saut dans l’inconnu qu’a été notre naissance.

Le migrant, le réfugié, quelqu’un qui est en route.

D’abord, c’est vrai pour tout homme, puisque, sur cette terre, croyants ou non-croyants, nous savons tous que nous ne sommes que de passage et que nous sommes donc un peu des étrangers.

Le peuple de la Bible, a été fort longtemps un peuple de nomades, un peuple de voyageurs. Rappelons-nous les patriarches : Abraham, Joseph, Jacob. Puis il y a eu la libération d’Egypte, le long séjour dans le désert. Plus tard, l’épreuve de la déportation, avant le retour en terre d’Israël. Au temps de Jésus, c’était la diaspora, la dispersion dans tout le bassin méditerranéen. Plus près de nous, ce sera, surtout après la 2° guerre mondiale et la shoah, le retour en terre d’Israël, l’alya.

A travers tous ces cheminements, le croyant de la Bible, a peu à peu découvert les appels de Dieu et, en particulier un appel : faire sienne la conduite de Dieu. Ainsi est-il dit dans le livre de l’Exode : « Ne profitez pas des étrangers installés chez vous, ne les maltraitez pas. Vous-mêmes, vous avez été des étrangers en Egypte. » (Ex 22, 21) Et dans une série de recommandations scandées par un solennel « Le Seigneur votre Dieu, c’est moi », Dieu insiste en proclamant : « Quand un étranger viendra s’installer chez vous, dans votre pays, ne profitez pas de lui. Au contraire, vous agirez avec lui comme avec quelqu’un de votre peuple. Vous devez l’aimer comme vous-même. En effet, vous aussi, vous avez été des étrangers en Egypte. » (Lv 19, 33-34)

Et pour nous, chrétiens, il est difficile d’oublier que notre Maître est né, pour ainsi dire, dans un squat, au bord de la route, dans une totale précarité, lorsque ses parents ont été obligés d’effectuer un long et pénible voyage qu’ils n’avaient pas choisi. Et cet enfant, né dans le dénuement, sera, plus tard, tout le temps en déplacement, en mouvement, pour les besoins de sa mission, au point dira-t-il, qu’il « n’a pas de lieu où reposer la tête » (Lc 9, 58) Et, à son image et à sa suite, ses Apôtres, toujours pour les besoins de la mission, iront parcourir tout le bassin méditerranéen : pensons aux incroyables voyages de Paul

Ainsi, nous sommes les fils et les filles d’un Dieu qui a accompagné son peuple tout au long de ses interminables pérégrinations. Un Dieu qui est allé jusqu’à prendre lui-même nos routes humaines en son fils, Jésus. Un Dieu, l’évangile de ce jour nous le rappelle avec force, qui nous attend toutes et tous au festin des noces éternelles dans son Royaume. Un Dieu qui, l’évangile du jugement dernier en Matthieu nous le rappellera dimanche prochain, ne nous demandera qu’un visa pour avoir accès à ce banquet : le visa de l’amour.

Alors, pour le chrétien accueillir le migrant, l’étranger, celui qui, dans la grande majorité des cas, n’a pas d’autre choix que de s’exiler, ce n’est pas seulement un geste de bonté fraternelle ou paternelle qui risque d’ailleurs de devenir parfois paternaliste. Il ne suffit pas d’aborder cette question avec notre seule affectivité. La première lecture nous encourage à l’aborder aussi avec sagesse, cette sagesse qui est un don de l’Esprit Saint. Cette sagesse qui nous permet de reconnaître qu’en accueillant l’autre, nous ne faisons pas que donner, mais que nous recevons tout autant. C’est ce qu’ont exprimé, de façon très simple, très discrète, des membres de nos équipes des Champs de Booz et de la Croisée des Chemins. Je donne la parole à Monique qui s’exprime en leur nom et place.

Retenons le message de ce dimanche : seul un cœur ouvert à l’accueil de l’autre, de celui, de celle qui a besoin d’être reconnu, accueilli, aimé, est capable d’accueillir le tout Autre, le Seigneur qui nous rassemble ce matin. Dans cette eucharistie, comme dans toute eucharistie, nous vivons un signe, mieux, nous vivons une anticipation de ce repas de noces du ciel, où la communion avec Dieu et avec tous nos frères et sœurs sera parfaite.

P. Jean Claude Heinrich, salésien de Don Bosco

18 octobre 2017 : Journée internationale de la traite des humains

Qu’est-ce que la traite des êtres humains ?
C’est le fait de recruter, héberger ou déplacer une personne d’un endroit à un autre, dans un même ou vers un autre pays dans le but de l’exploiter pour en retirer un bénéfice ( la prostituer, la forcer à travailler, la forcer à donner ses organes…). Cette personne est le plus souvent trompée, fausses promesses d’embauche, enlevée, vendue…

La traite est parmi les activités criminelles internationales les plus importantes au même titre que les trafics de drogue et d’armes.

A l’occasion de cette Journée internationale, le collectif de lutte contre la traite des humains sortira un DVD intitulé “Devenir”. Il nous fait découvrir que sortir de la situation de traite est un processus complexe et de longue durée.